Quelques heures après l’incendie tragique de ce lundi 15 avril 2019, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé que Notre-Dame de Paris serait « rebâtie » et qu’une souscription internationale serait lancée pour financer les travaux. 
Combien de temps cela va-t-il prendre ? Combien de moyens humains ? L’entreprise TMH, spécialisée dans la restauration de monuments historiques depuis plus de 60 ans, a répondu à nos questions.
Emmanuel Macron dit que la cathédrale sera « rebâtie » à l'identique mais qu’est-ce que cela signifie ?
L’objectif est bien sûr de reconstruire à l’identique mais les carrières de calcaire d’où venaient les pierres sont désormais fermées et l’on ne pourra jamais trouver que du calcaire d’une qualité approchante. C’est ainsi que l’on a déjà procédé au cours des restaurations des siècles précédents. Pour le bois, c’est plus problématique. Une partie des poutres de la charpente avait l’âge de la cathédrale, soit 800 ans, et l’on n’en retrouvera jamais de semblables ni d’aussi imposantes. Sans doute faudra-t-il recourir à d’autres matériaux comme le béton armé ou précontraint, ainsi qu’on l’a fait à Reims, sur le chantier de la cathédrale bombardée pendant la Première Guerre mondiale.
Sera-t-il au moins possible de restituer à l’identique la structure du monument et son architecture ?
Oui, pour l’essentiel. Dans la mesure du possible, les restaurateurs veillent en effet à conserver la mémoire du monument, y compris les stigmates du temps. Il n’empêche que les bureaux d’études et les architectes découvriront peut-être aussi la nécessité de consolider certains endroits de l’édifice, fragilisés par le temps et par l’incendie de ce 15 avril 2019. Cela les conduira peut-être à utiliser des matériaux nouveaux comme la résine ou ajouter des renforts à la structure. C’était déjà ce que faisaient les maîtres d’œuvre du Moyen Âge en bardant les voûtes avec de robustes renforts métalliques à mesure qu’ils découvraient des points de fragilité !
Dans le cas de Notre-Dame de Paris, disposons-nous de toutes les archives nécessaires à la reconstruction ?
Oui, heureusement. Tout a été  répertorié et l’on a conservé les plans de l’architecte Viollet-le-Duc, qui a opéré de grandes restaurations sur Notre-Dame de Paris au XIXe siècle. Dans la mesure où le monument  était toujours en rénovation, nous disposons aussi d’un suivi très précis des architectes sur ce qui a été fait et ce qui restait à faire. Nous disposons également de la photogrammétrie qui a permis de mémoriser la structure, les pierres, les schémas et les tracés plus ou moins anciens. Ce ne sera donc pas un souci de retrouver tous les détails de la cathédrale.
Combien de temps peut prendre un chantier comme celui-ci ?
Deux décennies, peut-être davantage. Tout dépend des ressources financières et des moyens humains. Il faut d’abord faire l’état des lieux, mettre à l’abri la structure subsistante et la consolider. Il faut ensuite former les équipes compétentes, ce qui ne sera pas le plus simple. Les travaux de reconstruction eux-mêmes seront très longs. À Nantes, la restauration de la cathédrale, ravagée en 1972 par un incendie, a demandé près d'un demi-siècle.
Imaginez ce qu’il en sera pour Notre-Dame ! Nous pouvons nous dire que des jeunes gens qui s’engagent aujourd’hui dans les métiers du patrimoine seront occupés sur ce chantier pendant une bonne partie de leur vie professionnelle...
Avez-vous une idée du coût de la rénovation ?
On ne peut pas le savoir à cette heure-ci, mais il atteindra sans doute le milliard d’euros.
Et au niveau des moyens humains ?
On ne sait pas encore combien de personnes seront mobilisées. Sans doute le chantier de Notre-Dame en occupera-t-il des milliers mais elles ne travailleront pas simultanément sur le chantier. Elles travailleront tour à tour en fonction de leur spécialité, taille de pierre, menuiserie, couverture etc.
La France actuelle a-t-elle les moyens humains d’assurer un pareil chantier ?
La protection du patrimoine manque aujourd'hui à la fois de capitaux et de main-d’œuvre qualifiée. On a vu avec la mission de Stéphane Bern que l’État est très chiche de ses deniers quand il s’agit de patrimoine et cela n’encourage pas les vocations.
Peut-être que le choc ressenti ce 15 avril 2019 va modifier la donne, encourager l’État à desserrer les cordons de la bourse et amener davantage de jeunes Français vers les écoles spécialisées...
Propos recueillis par Stan Vignon